Mark Lewis s’expose jusqu’au 30 novembre.

Depuis le milieu des années 1990, Mark Lewis explore les procédés du cinéma afin d’interroger son histoire et ses conventions, dans une démarche qui prend à contre-pied les méthodes du cinéma commercial produit par Hollywood. Il réalise ce qu’il nomme un « cinéma en morceaux » dont les pièces s’attardent sur le vocabulaire du cinéma : le générique, le figurant, le décor, le travelling…

Souvent filmées en Cinémascope et transférées en DVD ou fichiers haute définition, ses œuvres prennent la forme de grandes projections à même le mur.

Toute l’entreprise de Mark Lewis est une exploration du langage filmique, à travers laquelle il joue aussi bien avec un cinéma passé (son histoire, ses modes de représentation et de narration, ses possibilités techniques et formelles), qu’avec les constituants de la peinture et de la photographie. Il travaille ainsi cette matière même qu’est l’image et questionne la manière dont nous la comprenons. Ses films courts et silencieux sont de véritables intrigues visuelles, sans narration, souvent installées au coeur même d’un quotidien, celui des villes de la Modernité. Il propose au spectateur un exercice de décodage, une expérience étrange de « déjà-vu », et recompose ainsi sa propre idée, éclatée, d’un « cinéma permanent ».

On a souvent parlé des films de Mark Lewis comme de pures expériences du temps. Ses films n’ont d’ailleurs ni début, ni fin. On a moins souligné leur extraordinaire capacité à dire et explorer les lieux.
« La plupart des oeuvres de Lewis déploie en effet la longue prise de vue, qui est inséparable du lieu où elle est prise. Tous ceux qui ont fait de la longue prise leur spécialité, de Kubrick, Michelangelo Antonioni et Wim Wenders à Chantal Akerman, Michael Snow, Jia Zhangke et Tsai Ming-Liang, ont une compréhension profonde du lieu. Lewis aussi. Plusieurs de ses oeuvres ont été faites dans les lieux où il a vécu et la plupart ont été inspirées par des endroits qu’il a connus ou découverts par hasard. Le résultat, ce sont des films qui semblent être des célébrations d’espaces particuliers alors qu’ils nous montrent des lieux génériques, condition paradoxale des villes engendrées par la Modernité (comme certains quartiers de Vancouver ou de Londres). En clair, devant ces films maintenant nous sommes ici, mais nous pourrions être partout ou nulle part ».

Ainsi que l’écrit le critique David Campany, « un sort semblable est advenu au cinéma qui se fragmente et se disperse à travers le champ de la culture visuelle. Le cinéma peut être notamment dans les salles de cinéma, mais nous le voyons partout de nos jours, depuis un téléviseur et des ordinateurs portables jusqu’aux avions et galeries d’art. Mark Lewis est l’un des rares artistes qui peut nous montrer la profondeur des liens entre la condition du lieu, la condition du temps et le sort de leurs représentations. »

image : The Fight, 2008, 5’31 », production : Academy of Fine Arts, Vienne

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