Tazieff : premier album « Multiply »

Tazieff distille des harmonies sombres et rageuses et offre un rock tout en contraste, à la fois organique et actuel. Habillée de visuels inspirés d’un monde impossible, la musique de Tazieff nous plonge dans un univers poétique.

Les mélodies sont addictives et l’on passe en un instant d’une force brute à une finesse insoupçonnée. Les influences défilent: Radiohead, Tom Waits, dEUS, Joy Division et Massive Attack, mais la saveur reste unique.

Tazieff se forme fin 2010 et révèle très vite une grande complicité entre ses quatre membres. Le son forgé au fil des répétitions nocturnes dans leur studio de Gennevilliers s’épanouit lors de la première résidence du groupe dans la campagne auvergnate. Tazieff signe ses premiers concerts parisiens, dévoile un premier titre en mai 2011, avec la vidéo « A Million Why », et part en juillet enregistrer son premier album.

Retour en Auvergne. L’ancienne boîte de nuit, reconvertie en studio, tremble à nouveau. Machines et instruments rugissent. Mais les murs sont épais et la montagne déserte ne laisse rien passer… Il faudra attendre le printemps pour découvrir ce premier opus, « Multiply ». Accompagné par le dispositif Träce du Réseau 92, Tazieff continue d’écumer les salles parisiennes, avec notamment une formule acoustique, et prépare la sortie CD de son album, un clip et une tournée en province pour l’automne 2012. Tazieff, définitivement un groupe à suivre.

Quelle est votre approche de la musique ?

Il y a plusieurs manières d’aborder la chose, on peut tout simplement s’asseoir dans un fauteuil et écouter. Si tout va bien, des émotions, des sentiments, des images et des sensations vont nous traverser. Si la musique nous correspond, toutes ces choses vont nous plaire, nous parler, on va se sentir transporté et oublier notre quotidien l’espace d’un instant. Avec Tazieff c’est ce que nous essayons de faire. Dès qu’on termine une compo, on l’enregistre, on kidnappe un(e) inconnu(e), on l’enferme dans une pièce vide avec les yeux bandés et on lui passe le morceau. Si le rythme cardiaque de la personne augmente légèrement, qu’on constate une légère sudation à la surface de son épiderme, on garde la compo. Ensuite, une multitude d’éléments renforce l’impulsion initiale de la musique : des images, des vidéos, comment les musiciens se comportent en live, ce qu’ils disent, comment ils communiquent, comment ils s’habillent, etc. Mais pour nous si la musique ne parle pas d’elle-même, pas la peine d’aller plus loin. C’est con mais pour faire de la musique, on préfère prendre la musique comme point de départ. Ça veut pas dire pour autant qu’on se fout du reste. Au contraire, l’image nous a toujours intéressés, on passe pas mal de temps sur les visuels et on utilise de la vidéo en live.
Un de nos rêves serait d’apporter une dimension de spectacle vivant à nos concerts. A l’occasion d’un concert au Tamanoir (Gennevilliers), on a pu bosser avec un ami régisseur lumière pour le théâtre et la danse, le public a pris son pied et nous aussi. Dès le début, on a investi dans un dispositif de VJing qui accompagne notre prestation scénique. Christophe (chant et guitare) a déjà fait des courts métrages et a été aussi VJ pour un groupe, on a donc utilisé cette base de départ. Depuis, Romain (guitares) s’est aussi mis à la vidéo, c’est lui qui a réalisé les deux teasers pour la sortie de l’album. Dan (batterie) fait un peu de photo et Gilles (basse) s’est mis à bidouiller sur Photoshop. Du coup, il commence à y avoir pas mal d’échanges en termes d’images. Il y a aussi un projet de clip avec Jacky Ley, un ami photographe qui suit le groupe depuis le début et avec qui nous avons réalisé la première vidéo « A Million Why ». Jacky est un peu le 5ème Tazieff et on lui doit toutes nos photos et vidéos live. Donc oui, au final pour nous aussi la musique, c’est pas juste de la musique. Mais disons qu’on essaie de ne pas perdre de vue l’essentiel : la musique.

C’est quoi votre musique ?

C’est du rock dans le sens où il y a de la guitare souvent saturée, de la basse, de la batterie, de la voix et une pointe de synthé. C’est mélodique, on aime bien alterner calme et douceur avec du bon « in your face ». C’est souvent sombre et parfois même ça fait peur, mais il y a aussi de la rédemption et de l’espoir. Dans Tazieff, on est 4 et il y a 4 approches de la musique bien différentes. Gilles (basse) vient de la funk, il porte un blouson en cuir et des Ray Ban, pour lui ça doit être cool & groovy baby. Christophe (chant et guitare) fait toutes sortes de choses qui n’ont rien à voir avec la musique et en général il se complaît dans le joli un peu chépère. Dan (batteur), il faut bien le dire, est le seul vrai musicien de la bande, conservatoire, orchestre symphonique et cie, mais Dan vit dans un autre monde, alors… Romain (guitares) est un personnage à mi-chemin entre l’inspecteur Gadget et Fantômas, il passe la plupart de son temps dans les foires d’inventeurs, pour lui la musique est un champ d’expérimentation où il peut justifier l’achat d’objets ineptes auprès de sa compagne.

Où vous situez-vous dans le paysage musical ? Où est votre originalité ?

En général, on nous classe dans le rock indé voire alternatif, parfois en progressif et plus récemment en post-punk / new wave. Tout cela nous va très bien, ça correspond à nos influences. Bien sûr, on écoute toutes sortes de styles, pas que du rock. Récemment, on a partagé un plateau avec des amis qui font du dub rock balkanique, personne n’a trouvé ça incohérent. Bref, on essaie de varier les plaisirs, c’est quand même plus sympa en concert de découvrir un groupe qui propose différentes ambiances.
Au niveau du son, on aime bien triturer nos instruments, utiliser des archets et une multitude de pédales d’effet. Tazieff est un groupe à pédales. On utilise aussi un peu de synthé et des trucs plus ésotériques comme un stylophone. Mais on reste attachés à nos bonnes vieilles guitares, c’est quand même plus kiffant et sexy à jouer qu’un laptop. Pour nous, l’originalité est un concept qui, comme tous les concepts, ne se retrouve pas dans la réalité des choses, c’est juste un raccourci. A chaque fois qu’on se penche sur l’environnement d’un groupe supposé révolutionnaire et original, on se rend compte que plein d’autres gens faisaient la même chose avant eux et autour d’eux. Quand on connait bien un artiste, on observe que la plupart du temps il s’appuie sur son environnement et y apporte sa petite touche personnelle. Avec le temps, tous ces micros changements s’additionnent et à un moment donné un artiste ajoute sa petite pierre à l’édifice et on bascule dans quelque chose qui paraît nouveau. C’est notre manière de voir les choses.

En revanche, beaucoup de gens ont compris que ce concept fait vendre, donc l’originalité devient une sorte de graal autour duquel tout le monde s’excite. Mais tout ça est très dangereux : on observe de plus en plus de gens qui s’habillent de façon inadaptée à la température de saison et attrapent toutes sortes de maladies. Plus grave, d’autres se coupent du monde extérieur à la manière des raëliens sous prétexte que tout se qu’ils produisent ne doit ressembler à rien de connu. Nous n’avons pas peur d’être influencés. Au contraire, pour nous la matière première vient autant de l’extérieur que de l’intérieur.

Mais pourquoi faites-vous ça ?

On monte son premier groupe pour épater les filles. Seulement, avant il faut apprendre à jouer, ça prend des années. Quand on sait enfin jouer, enfin assez pour que ça intéresse les filles, il s’avère qu’on a déjà une meuf, voire marié, avec des mômes, un crédit, etc. Mais à un moment, on se rend compte que la musique fait vraiment partie de notre vie et qu’elle est devenue un moyen naturel et nécessaire de nous exprimer, comme une hygiène de vie.

Par exemple, notre bassiste, après s’être brossé les dents, se fait une petite ligne de basse pour bien démarrer la journée.
Plus sérieusement, on essaie simplement de faire la musique qu’on a envie d’entendre, et de faire le concert auquel on aimerait assister.

Comment a été produit l’album ?

On a tout fait nous même, avec un minimum de moyens. Christophe s’intéresse au son et a déjà enregistré et mixé quelques disques. Un collectif de danse et théâtre, « La Maison du Bonheur », nous a accordé 10 jours de résidence dans leur immense maison de campagne en Auvergne. On a loué et emprunté pas mal de matos et on est parti là-bas en août 2011. On a réussi à mettre en boîte 11 titres sans le chant. De retour à Paris, nous avons enregistré le chant, les choeurs et quelques arrangements au fil de l’eau dans notre studio de répét’ à Gennevilliers. Par la suite, Christophe s’est occupé du mixage dans son home studio en sollicitant le plus possible les oreilles des autres Tazieff, lors d’interminables sessions d’écoute alcoolisées. On a essayé de recueillir un maximum d’avis et de conseils extérieurs pour compenser l’absence d’un véritable producteur/réalisateur, mais pour le meilleur ou pour le pire cet album restera un disque de Tazieff fait par Tazieff.

L’expérience du « do-it-yourself » est clairement déterminante. En endossant les rôles d’ingé son et producteur, nous avons acquis une réelle maîtrise de notre son. C’était une démarche légitime et réaliste pour un premier album. Pour la suite, l’objectif est de trouver l’accompagnement professionnel qui nous permettra de continuer à avancer.

Quels sont vos projets ?

Le développement de notre groupe passe forcément par le live. On commence à bien connaître le circuit de salles parisiennes, à présent on a l’ambition de tourner un maximum en province. L’aide d’un tourneur sera évidemment la bienvenue, tout comme celle d’un label et d’un distributeur pour notre album.

A l’occasion d’un concert dans une galerie d’art, nous avons retravaillé notre set en version acoustique. Cette formule nous offre un nouvel éclairage sur nos morceaux et nous permet de jouer dans des lieux plus intimistes et atypiques.

Nous allons aussi continuer notre travail sur l’image, avec le VJing pour le live et l’écriture d’un premier clip.

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