Exposition Kisling

Le Musée de Lodève organise, jusqu’au 2 novembre 2008, une importante exposition consacrée à Kisling. Première exposition consacrée à cet artiste par un musée français, elle centre son propos d’une part sur la première partie de la production du peintre depuis son arrivée à Paris en 1910 jusqu’au lendemain de la Première Guerre mondiale, d’autre part sur sa période de maturité qui, au cours des années 1930-50, le conduit à rechercher un rapprochement avec la grande tradition.

En provenance de Musées français, du Musée du Petit Palais de Genève qui conserve la plus importante collection de Kisling au monde, de collections particulières européennes et israëliennes, on peut citer parmi les soixantes toiles exposées, notamment Paysage de Provence, 1913 ; Nature morte aux fruits, 1913 ; Portrait du poète Pierre Camo, 1913 (Musée d’Art Moderne de Céret-CAPC) ; Paysage d’Espagne, 1915 ; Jean Cocteau assis dans son atelier, 1916 ; Saint-Tropez, 1917 ; Le port, 1917 ; Nu au divan rouge, 1918 ; Femme au châle polonais, c.1928 ; Portrait des enfants du docteur Tas, Louis et Zouchas, 1930 ; Madeleine Sologne, 1949.

D’origine polonaise, né à Cracovie en 1891, Kisling fait partie de ces peintres juifs qui quittent leur pays avant la Première Guerre mondiale, pour rejoindre ce qui sera plus tard nommé l’École de Paris, et venir se frotter à l’ébullition artistique parisienne. C’est sur les conseils de Jozef Pankiewicz, son professeur aux Beaux-arts de Cracovie, qu’il s’installe à Paris en 1910. Il rencontre très vite les acteurs majeurs de l’avant-garde, dont Juan Gris et Picasso, puis Soutine et Modigliani avec lequel il lie une profonde amitié. Il fréquente assidûment la Rotonde ou le Dôme, défrayant parfois la chronique.
Son fameux atelier à côté du jardin du Luxembourg, rue Joseph Bara, dès 1912, devient le rendez-vous très animé de nombreux artistes, peintres ou écrivains (dont Max Jacob, Cocteau, Radiguet…) et artistes expatriés auxquels il vient souvent en aide.

En 1919, après son exposition à la galerie Druet, c’est le succès : Kisling est désormais célèbre et délivré de soucis financiers. Il participe à de très nombreuses expositions à l’étranger et à la plupart des Salons parisiens.
Sa notoriété ne se démentira plus jusqu’en 1940, date de son départ pour les Etats-Unis, auquel le contraint l’arrivée des nazis en France, après l’armistice. Il retourne en France en 1946. Il s’installe alors à Sanary, dans le Midi de la France, dans la villa « La Baie » achevée en 1938, et dans laquelle il fait construire un atelier, qu’il occupera alternativement avec celui de la rue du Val de Grâce à Paris.
Très apprécié d’un large public de son vivant, il reçoit la reconnaissance officielle de son travail avec la promotion au grade d’Officier de la Légion d’Honneur en 1950, avant de s’éteindre en 1953 à Sanary, après sa dernière exposition à Cagnes-sur mer.

De multiples influences « au service d’une nouvelle volonté expressive », résolument personnelle
Si l’Ecole de Paris, selon Emmanuelle Tenailleau, « est une digestion fastueuse du Louvre et des dernières avant-gardes (3)» Kisling s’inscrit en plein dans cette définition.
Ses œuvres (portraits – dont un grand nombre de nus féminins-, natures mortes, paysages…), d’abord nourries d’influences cézanniennes puis des premières approches du cubisme, révèlent ensuite un intérêt profond pour la peinture classique italienne et flamande, avant de s’inscrire dans le retour à la figuration des années 20 et de répondre à une forte préoccupation de synthèse des formes. Elles s’affranchissent en tout cas désormais de l’avant-garde cubiste pour dessiner –ce qu’André Salmon nomme son « naturalisme organisé »- les volumes adoucis d’un univers tout à fait personnel.

Cette diversité d’inspiration qui le rapproche tour à tour de Cézanne, Picasso, Gris, les Fauves, Derain, Modigliani, voire Matisse, Renoir, ou Ingres…, se concentre en « une nouvelle volonté expressive », selon Itzhak Golberg, qui lui est propre. Car jamais Kisling ne se laissera enfermer dans un quelconque dogme, restant fidèle à ce « réalisme informé d’émotion », selon Einstein dans sa Negerplastik, et ce « don de la forme » profondément décoratif qu’on lui accorde sans conteste.

Soutenues par une palette chatoyante d’une magnifique diversité, par la maîtrise d’une technique à l’ancienne sans faille, empreintes de ce bonheur de vivre, de cette sensualité qui caractérisent son art, les toiles de Kisling reflètent, non pas la représentation de l’existant, mais, comme le décrit Jean-Marie Tasset, « la projection originale et personnelle d’une réalité pas encore révélée », qui, complète Kisling, demande à l’artiste de « s’abandonner à l’instinct tout en maintenant le contrôle de sa raison».

Malgré une notoriété qui ne s’est pas démentie de 1910 à 1945, Kisling, qui fut l’un des plus célèbres parmi les peintres de l’Ecole de Paris, est aujourd’hui injustement délaissé. Même s’il s’est parfois laissé aller à une certaine facilité lucrative, il n’en reste pas moins que beaucoup de ses peintures font montre d’un véritable talent. Peut-être ce dédain est-il dû à sa désaffection des aventures modernistes pour revenir à la figuration ? En tout cas, la munificence et la complexité de sa palette, la science de ses compositions, de sa technique, et l’originalité d’un style qu’il s’est personnellement construit entre grande tradition et modernité, méritent une nouvelle lecture.

Le catalogue qui accompagne l’exposition réunit des essais synthétiques et analytiques déchiffrant à la fois l’œuvre et la personnalité de l’artiste.
Organisée par le Musée de Lodève, -commissariat général Maïthé Vallès-Bled conservateur du Musée-, elle a reçu le soutien du Ministère de la Culture- Direction régionale des affaires culturelles Languedoc-Roussillon, du Conseil Général de l’Hérault et de Midi Libre.

Musée de Lodève

Square Georges Auric
34700 Lodève
Tel : 04 67 88 86 10

 

Illustration : Kisling, Jean Cocteau assis dans son atelier, 1916, Musée du Petit Palais de Genève

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