Retour en force pour Bumcello, le duo constitué de Vincent Ségal et Cyril Atef, avec leur nouvel album Lychee Queen, enregistré avec les participations (entre autre) de Chocolate Genius, Blackalicious, et Magic Malik. Sortie le 9 juin 2008
« Dans un système fermé, rien ne se crée, tout se transforme », décrétait il y a plus de deux siècles Antoine de Lavoisier, l’un des pères de la chimie moderne. Le batteur Cyril Atef et le violoncelliste Vincent Segal, les deux alchimistes de Bumcello, ont repris cette loi à leur compte. Ils en ont simplement modifié les termes : depuis une bonne dizaine d’années, au gré de concerts explosifs et d’albums éclatés, ils ne cessent de démontrer que, « dans une musique ouverte, tout se crée et se transforme à la fois ».
Méprisant les règles du commerce, qui ne jure le plus souvent que par la spécialisation du goût, ils ont bâti un labo expérimental étendu aux proportions d’un immense terrain de jeu. Electrons libres depuis toujours, capables de s’illustrer dans le rock, le jazz, l’electro, les musiques africaines, indiennes, orientales ou brésiliennes, le funk, le hip-hop, la chanson ou le classique, ils s’amusent à agiter et à malaxer tout ce qui leur passe par la tête, entre les oreilles et dans les mains : sons d’ici et d’ailleurs, langages d’hier et d’aujourd’hui, gestes spontanés et pensées mûries.
Loin des musiques de synthèse artificielles qui font l’ordinaire de la fusion ou de la world, leur art en mouvement n’est pas le fruit de calculs malins ni de formules juteuses.
Basé sur l’improvisation, il célèbre dans la vérité du premier jet les étonnantes métamorphoses de la matière musicale, rendues possibles par l’infinie souplesse de l’esprit humain. Ecouter Bumcello, c’est assister à la débauche créative d’un duo qui a choisi de s’abandonner à la joie simple et féroce de jouer sans entraves.
Avec Lychee Queen, leur sixième album, la libre parole d’Atef et Segal accède une fois encore à une dimension supérieure. Jusqu’à présent, la musique de Bumcello était généralement considérée comme un cocktail détonant et euphorisant, procurant à ceux qui l’absorbaient une durable ivresse des sens.
Cette fois-ci, la griserie est toujours au rendez-vous, mais l’alcool qui la provoque n’a pas tout à fait la même composition. Plus décantée que dans l’album précédent de Bumcello, l’abrasif Animal sophistiqué, la matière sonore de Lychee Queen a la robe ambrée, le bouquet léger et la saveur longue en bouche des meilleures liqueurs californiennes – on songe ici à Shuggie Otis, à Love, à toute une esthétique West Coast qui, de la pop à la soul en passant par le jazz, a engendré tant de musiques à la fois sensuelles et raffinées. Une tradition que Cyril Atef et Vincent Segal connaissent bien : le premier a passé son adolescence et ses années de formation musicale à Los Angeles, tandis que le second a frayé avec la scène hip-hop alternative de la Bay Area, les activistes du label Quannum Projects en tête.
Atef et Segal sont restés fidèles à leur approche instinctive du geste musical. Exploitant toutes les ressources de leur relation télépathique, ils ont improvisé et posé les bases des morceaux de Lychee Queen en trois jours, dans un studio parisien (« Les sessions qui durent six mois, ça n’est pas dans notre nature », rappelle Cyril Atef).
Ils ont aussi laissé libre court à leur tempérament touche-à-tout : Cyril s’est ainsi frotté à une large gamme de percussions et a donné de la voix sur les titres Bakin’ in the sun et Hey Hey Hey Hey Hey, tandis que Vincent s’est collé à la basse, à la guitare acoustique ou électrique, au synthétiseur et au glockenspiel. Mais ils ont tous deux mis la versatilité de leur inspiration au service d’un projet plus construit qu’à l’accoutumée : pour la première fois, Bumcello, réputé pour être une formidable bête de scène, s’est mué en véritable animal de studio.
Avec ce disque qui ratisse large, mais avec une finesse de tous les instants, Cyril Atef et Vincent Segal confirment qu’ils ont su inventer une musique qui relie les hommes et réunit les goûts.