» L’art à la marge : art brut et artistes singuliers en Europe  » – Salle des Calandres (Eragny)

L’art brut, définit ainsi par Dubuffet, couvre les productions de personnes indemnes de culture artistique. Il inventa ce concept en 1945. En parcourant les asiles psychiatriques de Suisse et de France, l’artiste regroupa une collection d’œuvres significatives.

C’est en proche banlieue parisienne, que vous pourrez découvrir cet art hors du commun.
La salle des calandres à Eragny (95) propose des œuvres originales d’une vingtaine d’artistes, célèbres ou anonymes, du 9 avril au 23 mai 2009.

Dubuffet souhaitait faire émerger la création artistique par des amateurs en dehors des normes esthétiques (pensionnaires d’hôpitaux psychiatriques, autodidactes isolés, mediums, handicapés…) et leur donner la possibilité de s’exprimer autrement.

L’art brut nous propose un voyage sans détour, entre tendresse et poésie, vers des horizons inconnus où la différence supplante l’indifférence.

Quelques artistes

Michel Nedjar est l’invité d’honneur. Artiste plasticien, il bénéficie d’une renommée internationale.
Très tôt, il s’intéressa à l’univers des femmes. Aimant jouer avec les poupées de ses soeurs, il se passionne pour les tissus. En 1960, il visionne le film de Resnais « Nuit et Brouillard » et découvre l’horreur des camps : ces images deviendront obsessionnelles. Il se lance dans la réalisation de poupées nommées « chairdâmes ». Etranges et sombres, ces poupées deviennent terre et sang lors de sa dépression. Son thème de prédilection l’amène à créer des corps, des personnages en écho aux cadavres brûlés, aux momies et aux corps mutilés.

Fabricant d’objets, Francis Marshall intrigue par la multiplicité et l’étrangeté de son travail. Singulier, il défriche les terres étonnantes de l’art brut. Se servant de matériaux déclassés, il imagine des pantins dérangeants, inquiétants, en matière brute. 

Reclu en bordure de la foret de Fontainebleau, Chomo créa des milliers de dessins pendant près de soixante ans, dans le calme et l’isolement.

Pierre Bernard, lui, imagine depuis plus de vingt-cinq des ouvrages au crochet. Il désire comprendre « de l’intérieur » l’ondulation d’une feuille de houx, la règle de croissance de la coquille d’escargot… Il oppose intérieur et extérieur, cherchant des infinités de postures entre l’instable et l’idéal.

Yassir Amazine dessina pendant son adolescence des graffitis au bic noir, rouge, vert ou bleu. Apparentés aux gribouillis que nous effectuons au hasard lors de nos occupations, l’artiste envahit au recto et au verso le support, par nécessité. On peut alors prendre plaisir à discerner des formes, des objets ou des personnages. Il n’expliquera jamais son processus, sismographies mystérieuses.

Américaine, Judith Scott fut atteinte de trisomie. Elle était sourde et muette, ce qui lui empêchait toute socialisation. Cependant, à l’âge de quarante-quatre ans, elle effectua des sculptures textiles. Cocons géants multicolores, ses oeuvres évoquent des fétiches.

Enfin, le travail de Juanma Gonzalez mérite d’être souligné. Chauffeur puis cordonnier, il découvrit l’intérieur de son outil, reconnut la structure et s’en imprégna. Un jour, la semelle neuve qu’il vint de finir devint le support rêvé. Il décida de peindre dessus. Paysages, personnages, ses oeuvres ne furent apprécié que modérément. Cependant l’oeuvre de Juanma Gonzalez ne s’oublie pas, elle s’efface…

L’art brut permit ainsi à nombres d’entre eux l’expression de leurs émotions.

S’effacer, tel aurait pu être le travail de ces marginaux qui sans le savoir ont créé des œuvres à intense répercussion. Les regarder, c’est aussi les découvrir, les écouter. Sentir l’insécurité de l’esprit et le fil incertain sur lequel leurs auteurs marchent.
L’art Brut s’infiltre dans nos corps pour distiller des conseils de vie à ceux et celles qui maintiennent leur cœur « à l’écoute ».

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