Idan Wizen : Un anonyme nu dans le salon …

Idan Wizen est un jeune artiste de 26 ans, diplômé de l’Université d’arts de Londres. A l’origine du site Un-anonyme-nu-dans-le-salon, il nous livre avec ardeur et conviction ses projets, ses envies, sa volonté de faire évoluer les mentalités autour de l’art et du Nu. Rencontre avec un artiste novateur … un brin provocateur !

Pouvez-vous svp vous présenter aux lecteurs de Lartino ?

Je suis un jeune artiste en quête de gloire, de reconnaissance, d’admiration et surtout de groupies ! J’aurais préféré être une rock star, mais mes aptitudes naturelles à la musique ne m’auraient hissées guère plus haut que dans des guinguettes en perte de vitesse.

Pour recentrer un peu sur la question, je préfère me définir comme artiste plutôt que comme photographe. Je crée des images, des concepts, des œuvres avec certes un appareil photo, mais ce n’est pour moi qu’un outil. Et puis, photographe c’est tellement large comme concept ! Je suis incapable de faire de bons reportages photo…Disons que je suis artiste photographe et non pas un photojournaliste !

Je crée, tout simplement, pour tenter de…changer le monde ! En tout cas, de faire changer subtilement les mentalités vis-à-vis de sujets qui me semblent préoccupants dans notre société.
J’essaye d’introduire une petite graine dans l’esprit des gens qui leur fera, petit à petit, avoir la même vision que moi. Mais je vous rassure tout de suite, ça ne marche pas !

Vous êtes Infographiste spécialiste en création de logos. En quoi consiste votre travail, pour quel type de client travaillez-vous ?

Ah ! Je change de casquette !
Parallèlement à mes projets artistiques, je travaille pour différentes entreprises comme directeur artistique… Mon travail est un peu plus large que l’infographie…Et je ne suis pas vraiment spécialisé en création de logos !

Pour un client, aussi bien une grande entreprise avec plusieurs dizaines de milliers de salariés que pour une PME en passant par des artistes indépendants, je réalise des plans de communication, des sites internet, l’élaboration d’une nouvelle image ou encore une nouvelle charte graphique. Je tente de les accompagner de A à Z sur le projet et je supervise sa bonne réalisation.

Concrètement, un client vient me voir avec une problématique de communication, et ensemble, nous définissions ce qui peut être fait pour y remédier. Un site Internet ? Oui mais quel type de site ? Comment ensuite va-t-on le faire connaitre ? Une brochure pour de la communication interne ? Que mettre dedans ? Une fois, les grandes orientations définies, on passe à la phase de réalisation. Cela passe par de la création de logos, du webdesign, de la photographie, mais également par la création d’affiches publicitaires ou de bannières internet…
Au final, je suis assez polyvalent, je fais un peu de tout !

Si vous avez besoin de mes services, je vous invite à aller voir http://www.idan.fr.

2. Un anonyme nu dans le salon

Vous êtes également l’auteur du site Un-anonyme-nu-dans-le-salon, pouvez-vous nous en dire plus sur ce projet ?

C’est un projet né il y a environ un an et demi. L’objectif est de faire un beau portrait en pied de chaque personne voulant bien venir poser. Seule petite subtilité, la personne est nue !
Après une séance avec un modèle, une seule photographie est conservée. Celle-ci est alors tirée et  vendu en 8 exemplaires afin d’embellir les pièces à vivre des collectionneurs et des particuliers.
Via ce projet, je tente d’ouvrir une réflexion sur plusieurs thématiques :

La place de la pudeur dans notre société

Aujourd’hui, on peut voir, pour n’importe quelle publicité de gel douche, une femme nue. En passant devant un kiosque à journaux, on aperçoit des femmes dans des positions lascives. On n’a jamais autant été exposé à la nudité qu’aujourd’hui.
Pourtant parallèlement à cela, une pudeur extrême est présente au quotidien. De l’interdiction de faire du topless aux Etats-Unis en passant par le port du voile intégral, la bienséance est paradoxale et très subjective.
Individuellement, se mettre à nu, exposer son corps est quelque chose qui n’est pas évident également. Dans l’ensemble, nous ne sommes pas choqués par la nudité d’autrui, mais l’idée que quelqu’un d’autre puisse nous voir nu est bien plus dérangeante.

Le rapport à notre corps et aux idéaux des corps parfaits

Les premiers corps que l’on voit nu dans notre vie sont généralement « parfaits ». Je parle de ceux des mannequins des publicités de gel douche ou encore les demoiselles aux positions lascives des kiosques à journaux…C’est valable également pour les hommes, via par exemple les Dieux Du Stade.
Dans l’ensemble, notre société met en avant un certain type de beauté, qui plait au plus grand nombre. Nous sommes abreuvés de ces images. Comment alors accepter son corps, ou celui d’un être aimé lorsque celui-ci a un peu trop de cellulite, un petit bedon, ou des poils dans le dos ? Pourtant,  nous n’épousons pas tous Brad Pitt ou Claudia Schiffer, et nous sommes attendris par les petits défauts de l’autre, par ses imperfections.
Un corps est beau parce qu’il y a une personne derrière. Un sourire, un regard, un charme qui fait qu’à ses yeux, le corps de cette personne nous attire.

L’attirance

Qu’est-ce qui fait que l’on est attiré par tel ou tel personne physiquement ? Je ne parle pas d’attirance sexuelle. Le sujet a été tellement travaillé… Non, je parle de l’attirance que l’on peut avoir vers un vieillard, vers une femme qui nous semble fragile, vers une personne que l’on voudrait connaitre, avec qui l’on souhaiterait être ami.
C’est la partie « dans le salon » du projet. Je souhaitais que les personnes passent de photo en photo et se disent qu’ils voudraient être proche de cette personne. Qu’ils voudraient l’avoir à leurs côtés au quotidien. Bien sûr, ils ne la connaîtront jamais, et ce ne sera principalement que le fruit de leur imagination. Mais que c’est bon de rêver et d’imaginer !

Qu’est-ce qui vous a donné envie de créer ce site ?

Le site en lui-même n’est qu’un moyen de véhiculer le projet d’art. Le projet d’art a pour but de faire évoluer les mentalités. Je voulais que les gens regardent la nudité autrement. Voir autre chose que du porno et que des modèles de perfection physique. Je voulais qu’il puisse voir l’humanité telle qu’elle est réellement. Je voulais également qu’il se pose la question de savoir s’ils étaient capables ou non de rejoindre les anonymes et de venir poser. De savoir s’ils sont prêts à accepter leur corps tel qu’il est, malgré leurs défauts. Je voulais que devant mon objectif, ils se livrent complètement, se mettent à nu, au sens propre et figuré.

3. Le nu dans l’art et dans notre société

La nudité a toujours été très présente dans l’art, que représente pour vous le nu ?

Le nu ne représente pas grand chose pour moi. C’est plutôt l’absence de vêtement qui est significative.
Si la fonction première du vêtement était de tenir chaud, nous en sommes bien loin aujourd’hui. Par le choix de ses vêtements (ou ceux qui nous sont imposés), nous nous définissons socialement, culturellement et nous nous positionnons par rapport aux autres.
Cela s’étend bien entendu aux tatouages, piercings, coupes de cheveux…mais pour la grande majorité d’entre nous, le vecteur principal d’identité dans notre société reste le vêtement. Je m’habille donc je suis ! Pour simplifier quelque peu, je porte un jean troué face à mon père en costume trois pièces, je lui fais passer un message clair : je ne suis pas comme toi, j’ai ma propre personnalité et je rejette une partie de tes valeurs…Tout du moins en apparence. J’ai un gros logo d’une marque très chere en plein milieu de mon t-shirt, j’explique à tous les gens qui me croisent que j’apprécie les valeurs que la marque communique et que je m’identifie à celle-ci. J’appartiens à un groupe. Le style vestimentaire définit aujourd’hui la tribu dans laquelle nous appartenons, ou en tout cas, celle à laquelle nous aspirons appartenir.

Cela n’a rien de neuf. Je ne suis pas historien, et je ne peux pas vous dire précisément à quand cela remonte, mais j’imagine aisément le chef de la tribu préhistorique avec une peau de bête plus grosse que celle des autres.

En faisant poser les gens nus, je les oblige donc à exposer qui ils sont, sans les artifices liés à nos choix vestimentaires socioculturels. Nu, l’ouvrier, le chef d’entreprise, le boulanger et l’avocat n’ont plus de signes distinctifs. Ils se livrent aux yeux du spectateur autrement.

La nudité rime-t-elle toujours avec beauté ?

Non. Je vais répondre par l’image.
Regardez la photographie de Nick Ut, de la tristement célèbre Phan Thị Kim Phúc prise pendant la guerre du Vietnam. On y voit juste souffrance, horreur, tristesse. Dans ce cas, la nudité de la fillette rend l’image encore plus prenante, plus forte. Il n’y a pourtant rien de beau. Juste du vrai. (Même si cette photographie a fait polémique, personne ne remet en cause la réalité de cette souffrance.)

Comment la nudité est-elle aujourd’hui acceptée dans notre société ?

Voici un grand paradoxe de notre société !
Pour ne parler que de la France, (limitons, le sujet est déjà assez complexe), vous pouvez voir tous les jours, des femmes voilées passer devant un kiosque à journaux où une femme nue se caresse pour faire la promo du dernier numéro d’un magazine porno…
De manière générale, on accepte le fait que la nudité existe dans le domaine public, qu’elle fasse partie de notre société. Mais à titre individuel, cela reste un tabou ou quelque chose d’inimaginable. Dans un contexte précis,  une personne nue ne choquera plus grand monde. Mais que d’autres vous voient nu, cela n’est pas accepté.

Cela est principalement dû à notre culture et à notre passé religieux. Je vous parlais avant de l’Islam et de la femme voilée, il en est de même dans le Judaïsme ou dans le Christianisme. Des cheveux au sexe, en passant par les seins, certaines parties du corps ne doivent pas être montrées. Pour la femme principalement, mais également pour l’homme. La nudité est vue comme un rapport direct à la sexualité. La sexualité est considérée comme devant être absolument encadrée (par le mariage), et le désir sexuel comme quelque chose de malsain. Se mettre à nu, c’est pêcher. Même aujourd’hui, pour quelqu’un de non-croyant, cela fait partie de son cadre de pensée. Les préceptes religieux ont bien plus marqué notre société que la croyance en elle-même. Et si individuellement, on échappe à ce carcan, il faut passer outre le jugement moralisateur de la société et de son entourage.

Que répondez-vous à ceux qui voient dans vos œuvres une invitation au voyeurisme et à l’exhibition ?

Chacun est libre d’y voir ce qu’il  veut !

En ce qui concerne le voyeurisme, je pense que la douce magie d’Internet ne m’a pas attendue pour proposer une offre complète et variée à tous les types de voyeurs différents et qu’ils y trouveront largement leur compte ailleurs. Les collectionneurs ou les simples visiteurs y trouvent un être humain. Un être simple, vrai et authentique.

En ce qui concerne l’exhibition, je ne pense pas qu’un exhibitionniste y trouvera son compte. Il a besoin de voir et de percevoir la réaction de ceux qui le voient. Hors, dans le cadre d’Un Anonyme Nu Dans Le Salon, il n’est pas possible d’avoir une relation entre un modèle et un collectionneur.

Qui sont vos modèles ?

Des gens comme vous et moi. De 18 à 79 ans pour l’instant. Des étudiants, des avocats, des chefs d’entreprise, des artisans. Je ne peux dégager aucune ligne directrice. Leurs motivations et leurs craintes diffèrent. Dans l’ensemble, ils apprécient mes photographies et se demandent à quoi ils pourraient ressembler s’ils venaient poser !

Tout le monde peut-il devenir modèle ?

Je ne choisis pas les modèles. Le seul critère est d’avoir plus de 18 ans. Tout le monde peut venir poser s’il le désire et qu’il accepte les règles du jeu.

Et qui sont vos acheteurs ?

Les gens qui prennent le temps de regarder les photos !
Quand je dis regarder, je veux dire, passer du temps à comprendre un regard, à décrypter un sourire. En y passant du temps, via le site ou pendant les expositions. Vous allez créer un lien avec l’image. Avoir envie d’échanger, de parler. Vous y verrez peut-être le père que vous n’avez jamais eu. La mère que vous auriez aimé avoir. La grande sœur qui vous aurait conseillé. Le grand frère qui vous aurait protégé. L’ami(e) qui vous aurait fait faire ce que vous n’osiez pas. Ou le contraire ! Bref, vous allez développer le concept de l’ami imaginaire 2.0 et être touché par un anonyme.

Une fois cela, vous aurez envie de voir la photo au quotidien. De rentrer chez vous le soir et de lui raconter votre journée. De comprendre qui peut bien être cette personne. Vous allez lui donner un prénom, lui inventer une histoire.

Mais le meilleur moment, c’est celui ou vos amis vous demanderont qui est cette personne nue en photo. Car pour eux, il est évident que vous savez qui elle est. Et vous répondrez, que vous ne savez pas, tout en gardant en tête, toute l’histoire que vous lui avez inventée …

Selon vous, le Nu est-il accessible à tous ?

Je pense qu’il faut une certaine ouverture d’esprit pour pouvoir le comprendre et l’apprécier. Il faut avant être capable de se questionner sur la nature profonde de l’Homme, de la société et de ses tabous.

Vous présenterez les séries Genèse et Persévérance du 3 au 31 Mars au Ohlala Bar, pouvez-vous nous en dire plus sur cette exposition ?

C’est la troisième exposition du projet et la première exposition des photographies Persévérance (sur fond rouge). Elle comportera aussi quelques photographies exclusives de modèles plus récents qui ne sont pas encore publiées sur le site.

Elle a lieu dans un bar et j’en suis ravi. Comme je vous le disais auparavant, je pense qu’on a besoin de temps pour comprendre et apprécier une photographie. A l’exposition, pas d’urgence. Prenez un verre, et passez le temps qu’il faut à regarder les photographies. Passez à une autre. revenez. Laissez vous guider par le regard d’un anonyme. Par le sourire d’un autre. c’est également un bien meilleur moyen de voir les photographies que sur Internet.

J’enchaine avec les infos pratiques :

Exposition du 3 au 31 Mars au Ohlala Bar
Entrée gratuite
4 rue Rampon – 75011 – Paris. M° République.
De 20h à 2h du Mercredi au Samedi et le Dimanche (Brunch) de 11h30 à 17h

Soirée Discussion et Rencontre avec le photographe
Jeudi 17 Mars à partir de 19h.

Y aura-t-il d’autres expositions de votre travail ?

Oui, il y en aura. Quand et où, je ne peux pas vous en dire plus pour l’instant…Je compte bien refaire d’autres expositions du projet Un Anonyme Nu Dans Le Salon, mais je suis également en préparation d’autres projets qui s’appelleront « Where is God ? », »Just Buy It » ou encore « People ! ».
Je ne vous en dis pas plus pour l’instant.

Un petit mot pour conclure ?

Et vous Valentina, vous venez poser ?

 

Idan Wizen, la Rédaction de Lartino vous remercie pour le temps que vous lui avez accordé, ainsi que pour l’invitation 😉 et invite ses lecteurs à vous découvrir lors de l’exposition qui aura lieu du 3 au 31 Mars au Ohlala Bar, ainsi que sur votre profil Lartino.

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