« Denise Colomb aux Antilles » – Jeu de Paume (Paris)

« Que voulez-vous : un jour un reporter m’a demandé ce qu’était la beauté. Du tac au tac j’ai répondu : la chair de poule. En nuançant, je dirais que c’est l’émotion totale. Pour moi, une photo réussie, c’est une photo bien cadrée, avec des noirs, des gris, des blancs bien répartis, mais avec une émotion à l’intérieur » – Denise Colomb

Dans la lignée des photographes humanitaires tels Willy Ronis, Robert Doisneau ou Edouard Boubat, l’oeuvre de Denise Colomb est actuellement exposée au Jeu de Paume, à l’hôtel Sully jusqu’au 27 décembre

Artiste sincère et authentique, elle s’est éteinte il y a peu à l’âge de cent un ans. Cet accrochage rend hommage à son travail, et plus particulièrement à ses séjours dans les Antilles Françaises en 1948 et 1958.

Connue pour ses portraits d’artistes (Picasso, De Staël,…) Denise est sollicitée par Aimé Césair lors du centenaire de l’abolition de l’esclavage, aux Antilles. C’est son premier voyage là-bas, et elle réalise des photographies, d’un réalisme poétique. Saisissant des éclats de rires, des jeux d’enfants, mais aussi des scènes de misère, de pauvreté, elle dépeint cependant un tableau positif. Elle ne souhaite pas dénoncer les injustices.

Elle préfère le noir et le blanc, à la place des couleurs, qui selon elle, créent une atmosphère théâtrale qu’elle ne désire pas.

Le spectateur plonge alors dans une autre réalité, que nous ne connaissons pas, Récréation, 1948 ; Pêcheur coiffé du bakoua, 1958 ; Point à pitre, 1948 ; Buveurs de punch, 1948.

Sur l’une des séries, un accident matériel s’est produit, ce qui crée descraquelures de gélatine, qui scindent les photographies, nous obligeant à les regarder plus attentivement, comme des documents decartographie.

En 1958, Denise effectue son deuxième voyage aux Antilles dans un but totalement différent. Elle y est conviée par la compagnie générale transatlantique qui désire promouvoir le tourisme. Ses photographies contrastent nettement avec la précédente expédition et nous laisse un goût de légèreté, mais aussi de superficialité.

Aussi belles et colorées soient-elles, elles n’ont forcément pas la même force que celles de la réalité quotidienne. Cependant, on peut y souligner une pointe demélancolie, dans sa façon de saisir un paysage qui s’abîmeavec l’activité de l’homme.

Denise Colomb, hésitant entre portraits humanistes et exotisme, s’impose d’un regard tendre et franc, à la foi, en dépit des commandes imposées. Entre réalité et rêve, elle nous livre des photographies suintantes de beauté.

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